J’ai eu le plaisir d’échanger au cotes de Stéphanie Dominguez, Senior Manager experte Compliance KPMG France, pour Village de la Justice sur le métier de Compliance Officer en 2024, un métier au cœur des enjeux actuels en entreprise…

Qu’est-ce qu’un Compliance Officer ?

Le Compliance Officer est également connu sous le nom de directeur / responsable de la conformité, chargé de conformité ou encore déontologue.

Il doit s’assurer de la bonne mise en oeuvre des réglementations et procédures de l’entité et de vérifier la conformité réglementaire des projets. Il pilote, formalise, déploie avec l’aide des autres métiers les procédures de conformité règlementaire et complète les procédures existantes avec les métiers afin qu’elles soient conformes aux réglementations et adaptées. Il conseille les métiers, audite et enquête sur des sujets de conformité en interne.

Les missions d’un Compliance Officer sont variées, elles dépendent de la structure de l’entreprise. Il se charge principalement de la bonne mise en pratique des règles de conformité en interne, de la rédaction de documents d’éthique (ex : code de conduite, procédure « cadeaux et invitations », lignes directrices sur l’évaluation de l’intégrité des tiers…) et de la communication de ces derniers auprès des collaborateurs. Le Compliance Officer réalise régulièrement des contrôles pour s’assurer de la bonne application des normes et des réglementations en vigueur. Il analyse les risques sur les projets stratégiques de la société.

En parallèle, il doit suivre les actions menées en réalisant des rapports d’activité, mais également informer sa hiérarchie sur les problématiques et les ajustements à réaliser. Une veille sur l’ensemble des dispositifs doit également être réalisée afin d’être informé sur les bonnes pratiques et leur conformité.

Quelles sont les attentes des sociétés pour leur compliance officer en 2024 ?

Marie Hombrouck

Marie Hombrouck : Au-delà attentes des compétences techniques et comportementales, en 2024 nos clients attendent des compliance officers la mise en place d’une culture de la conformité. Depuis quelques mois, nos clients nous ont fortement sollicités pour des recrutements en compliance, notamment pour des profils expérimentés (7 à 10 ans). Le métier se structure et la difficulté réside dans la définition de la fiche de poste qui varie fortement en fonction de la taille d’entreprise et son secteur d’activité. Chaque client à sa propre vision de la compliance, c’est au chasseur de tête de bien comprendre les attentes du client et de faire une définition exhaustive de son besoin.

Stéphanie Dominguez : C’est l’un des grands challenges ces dernières années de définir le besoin en compliance de la société. Les sociétés ont conscience du besoin de structurer leur direction conformité, mais les ressources et les demandes ne sont pas alignées encore aujourd’hui. Prendre un compliance officer de moins de 5 ans d’expérience pour gérer la prévention de la corruption, la protection des données (DPO) et la RSE sans équipe, ni moyens envoie définitivement un message négatif aux régulateurs, auditeurs et aux tiers.

Les sociétés aujourd’hui souhaitent se structurer sur ce sujet pour répondre aux exigences règlementaires, à leurs valeurs et évoluer dans les meilleures conditions. Elles recherchent donc des personnes efficaces, à l’écoute, discrètes, diplomates, expertes dans la compliance, qui s’adaptent vite, compétentes sur les sujets, au minimum bilingues en anglais, en veille sur la réglementation et les technologies, communicantes, prêtes à former les dirigeants et collaborateurs et sachant adapter leurs discours à leur auditoire, avec des notions juridiques, financières, de gestion du risque et de contrôle interne.

Quelles sont les attentes des compliance officers eux-mêmes, en 2024 ?

Marie Hombrouck : Les candidats que nous rencontrons sont très attentifs à la vision de la compliance par l’entreprise. Un rattachement à la direction générale n’aura pas le même positionnement qu’un rattachement à la direction juridique. Le compliance officer attend de la reconnaissance interne et externe de leur fonction. On voit bien le nombre de colloques se développer, par exemple le printemps des DPO qui a connu un fort succès. La reconnaissance passe également par la rémunération. Au regard des enjeux qui sont de plus en plus complexes, les rémunérations ont augmenté en 2023.

Stéphanie Dominguez : Le compliance officer de 2024 est dorénavant un expert reconnu qui attend que la société lui propose un environnement dans lequel il pourra s’épanouir, évoluer et se former dans les meilleures conditions. Il attend d’être rattaché à quelqu’un de compétent, au bon niveau dans la direction, bienveillant et qui le soutiendra en cas de situation sensible, ce qui arrivera à un moment donné. C’est un acteur clé dans les entreprises d’aujourd’hui et dans le secteur public qui veulent se structurer.
Le compliance officer de 2024 a à cœur d’aider sa société à grandir et souhaite travailler sur des projets toujours plus passionnants pour lui et sa structure.

Où en est-on en matière de formation des compliance officers ?

Marie Hombrouck : L’essentiel des formations en compliance est de niveau Bac +5. Certaines universités de droit ont été précurseurs en la matière (Sorbonne, Cergy, Assas…) et on le voit aujourd’hui de nombreuses ont suivi le mouvement. Les écoles de commerces sont également force de proposition, par exemple la formation Digital Ethic Officer de Edhec Augmented Law Institute menée par Christophe Roquilly. C’est un signal fort et positif qui montre le potentiel de ce métier.

« Les offres de formations se multiplient et c’est un très bon signe pour la fonction compliance/conformité réglementaire ! »

Stéphanie Dominguez : Les offres de formations aujourd’hui se multiplient et c’est un très bon signe pour la fonction compliance/conformité réglementaire : Sorbonne, Assas, Cergy, Dauphine et autres en île-de-France ou en région : Toulouse, Dijon, Strasbourg, Lille… Les propositions sont diverses et c’est nécessaire, car le besoin des entreprises grandit sur ces sujets et les sociétés ont des difficultés à trouver des profils compétents et flexibles. Les acteurs de la formation sont aujourd’hui sensibles à ces questions et professeurs, avocats, consultants, professionnels de la compliance répondent présents pour former les compliance officers de demain.

Parlons rémunération : quelles sont les tendances et évolutions que vous observez ?

« Globalement on observe un alignement des rémunérations avec certaines fonctions juridiques. »

Marie Hombrouck : Il y a quelques années, nos clients nous contactaient pour « créer la fonction compliance » avec un budget de 50K. Aujourd’hui, les clients ont conscience que cette fonction doit être en cohérence avec les attentes et les compétences demandées. Il est très compliqué de donner des chiffres précis, en fonction du secteur, de la taille de l’entreprise, périmètre et enjeux du poste, les rémunérations peuvent fortement varier. Globalement on observe un alignement avec certaines fonctions juridiques. Les juniors autour de 40k, les middle 3/5 ans autour de 50/60k, 7/10 ans autour de 60/80k et pour les postes de head of compliance autour de 120/130k. Évidemment, dans une société cotée avec du management et des enjeux de sanctions fortes, les rémunérations peuvent fortement augmenter.

Stéphanie Dominguez : J’observe une nette tendance pour des recrutements de profils junior à intermédiaire, entre 3 et 5 ans à moins de 65 K pour différentes raisons : une proposition de salaire moindre, un positionnement plus bas, une absence de moyens donnée à ces profils en termes de ressources et outils, une plus grande acceptation à faire différentes tâches parfois loin de la compliance.

« L’instance dirigeante doit investir sur des profils au bon niveau dès le début par rapport aux risques de non-conformité. »

C’est un peu dommage selon moi, je suis pour plus de diversité de profils dans les recrutements et une meilleure appréhension du besoin en amont et selon la taille et l’activité de la société. Un compliance officer plus expérimenté aura plus d’attentes certes en termes de moyens et outils, mais à raison, lorsque l’on est face à des sociétés qui sont présentes à l’international et faisant plusieurs millions de chiffre d’affaires, il me semble stratégique d’investir sur des profils plus seniors qui sauront plus facilement prendre la mesure des enjeux.

Ce compliance officer plus senior saura surtout plus facilement échanger avec la direction générale et remonter les points qu’un collaborateur moins expérimenté qui fera moins d’impact et dont les actions ou propos seront les propos sont trop fréquemment dilués par les couches hiérarchiques successives. En conclusion, l’instance dirigeante doit investir sur des profils au bon niveau dès le début par rapport aux risques de non-conformité de leur groupe et à son degré d’exposition.

Quel est l’avenir du Compliance officer ?

« Les enjeux RSE, RH, IA vont faire de ce métier une profession essentielle pour les entreprises. »

Marie Hombrouck : La compliance ne cesse de grandir, notamment en transversalité de compétences. Les enjeux RSE, RH, IA vont faire de ce métier une profession essentielle pour les entreprises. Le piège qu’il faudra absolument éviter pour les compliance officers est de devenir les empêcheurs de business et d’être vu comme les personnes qui ralentissent l’activité. Ils devront faire preuve d’une excellente capacité d’écoute et de communication interne et externe pour que ce métier devienne incontournable dans l’entreprise.

Stéphanie Dominguez : Je pense que l’avenir des compliance officer est plutôt rayonnant ! Entre les évolutions RSE- ESG avec la CSRD, les jurisprudences à venir sur le devoir de vigilance, les dossiers en corruption, les sanctions et contrôles des autorités (CNIL, autorité de la concurrence, AFA), les conditions toujours plus précises des banques, BPI, BEI et autres fonds d’investissement, l’intérêt plus prégnant du secteur public, le métier est en constante évolution et devient toujours plus stratégique. J’ai hâte de voir et participer à ces changements qui contribueront, je l’espère, à sécuriser et améliorer la conduite des affaires dans les sociétés et plus globalement d’aider la Société dans son ensemble.